« Tel fut le commencement… »

Christian Genre, diacre, paroisse Saint Pierre II en Chauvinois.

En ce second dimanche du Temps ordinaire, Mgr Pascal Wintzer a présidé l’Eucharistie qui marquait le début de sa visite pastorale dans la paroisse.

Après la célébration, toute l’assemblée s’est dirigée vers la salle de la Poterie, prêtée gracieusement par la municipalité pour partager le verre de l’amitié puis le repas tiré du sac.

Après quelques photos de la célébration et de sa suite, vous trouverez ci-dessous le texte de son homélie.

Le Signe de Croix gestué et chanté                       La joyeuse troupe des servants d’autel

                           

Vente de gâteaux par l’aumônerie                                              Le verre de l’amitiéV

                           

 Avec les générations nouvelles…                     Un archevêque qui fait tourner les tables?

 

L’ homélie a porté sur l’évangile du jour, le récit des noces de Cana.

Voici le texte de l’homélie:

« Tel fut le commencement… »

Jean est le seul des quatre évangélistes à rapporter ce signe de Cana.
Cette originalité de saint Jean, elle est perceptible un peu partout au long de son évangile.
Pour ce qui est des miracles, Jean en rapporte en 7, dont Cana est le premier.
Le chiffre 7 n’est pas anodin, il est le chiffre de la plénitude, c’est celui de la communion entre la terre et le ciel, 4 et 3 : les miracles, et les sacrements, sont les signes que cette communion a été restaurée en Jésus.

Les miracles rapportés par saint Jean, sont tous originaux par rapport aux autres évangélistes, tous, excepté celui de la multiplication des pains.
D’ailleurs Jean justifie lui-même son choix : « Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre. Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom. » Jean 20, 30‑31.
C’est aussi ce que dit le verset 11 de ce chapitre 2 : « Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui ».

Jean parle de signes et non pas de miracles. Cela ne doit pas conduire à mettre en doute la vérité historique, concrète, de ces miracles, mais cela invite à voir au-delà du merveilleux qu’ils sont d’abord en eux-mêmes.
En effet, le 1er signe, c’est le miracle lui-même, c’est l’extraordinaire, et cela doit pouvoir nous faire dire : « Rien n’est impossible à Dieu. »
Une telle phrase doit toujours guider notre foi, elle est surtout au fondement de l’espérance.
Oui, d’abord, c’est bien ce phénomène extraordinaire qui est le 1er signe de Cana : il nous révèle la personnalité de Jésus.

Allant plus loin que ce qui se passe d’extraordinaire, de l’eau changée en vin, il faut reconnaître que c’est presque chacun des mots du texte qui est porteur de sens.
D’abord, c’est la présence de Marie qui est soulignée. Remarquez que celle-ci n’est pas désignée par son nom.
Qu’en comprendre ? Bien entendu, Marie est grande par elle-même, mais elle l’est surtout par la relation qui l’unit à son Fils : elle est « la mère de Jésus ».
Cette relation est exprimée par les mots : « la mère de Jésus », mais aussi par les événements.
Marie a un rôle d’intercession entre les hommes et son fils.
Elle est présente à la vie des hommes, elle voit leurs besoins, et elle intercède auprès de son fils pour que celui-ci réponde à ces besoins.

Vous savez que l’on s’est beaucoup interrogé sur les paroles de Jésus : « Femme, que me veux-tu ? »
Il semblerait que Jésus rabroue sa mère, à la fois par le mot de « femme », peu commun, et par ce qui suit : « que me veux-tu ? »
N’oublions pas les intentions de saint Jean : tout est signe.
Marie, appelée « femme », doit être mise en rapport avec la première femme, avec Eve.
Marie est la nouvelle Eve : avec Marie, par Marie, Dieu reprend en main la création, ou plutôt il reprend la création entre ses mains, il la remodèle alors qu’elle avait été déformée par le péché, par le refus.
Marie est celle qui dit « oui », Eve avait dit « non ».
La 1ère création était sous le signe de la désobéissance ; la nouvelle création sous le signe de la grâce.
Pourtant, comme Eve est une tentatrice, elle incite à manger le fruit défendu, Marie aussi est une tentatrice.
Mais, alors qu’Eve incite l’homme à se passer de Dieu, Marie incite Dieu à secourir l’homme : « ils n’ont pas de vin. »

Ensuite, quel sens donner à la phrase prononcée par Jésus, « que me veux-tu ? »
Cette phrase, Jésus la destine davantage à nous qu’à Marie ; par ces mots, il veut attirer notre attention : ce qui va se passer est bien plus qu’une banale histoire de pénurie de boisson.
Je précise que cette phrase est la transcription d’une formule hébraïque qui se dirait ainsi : « quoi entre toi et moi ? »
Autrement dit : Quoi entre ce signe de l’eau changée en vin, et le salut, le changement du cœur de l’homme, dont c’est le signe.
Oui, c’est bien de salut dont il est ici question : « mon heure n’est pas encore venue »  dit Jésus.

Dans l’Evangile de Jean, l’heure désigne la Pâque, le grand passage de Jésus vers son Père, le passage par la croix et par la résurrection.
Par la phrase « mon heure n’est pas encore venue », saint Jean nous laisse entendre cela : « attention, c’est du salut dont il est question ici ! »
Tous les signes de Jésus, chacun des 7 signes rapportés par le 4ème Evangile, renvoient au grand signe qu’est la Pâque de Jésus, son passage vers le Père.
Ils renvoient à Jésus lui-même, c’est lui qui est le signe de Dieu, c’est lui qui est le sacrement de Dieu.
S’il fallait encore montrer que ce que dit Jésus n’est pas insultant pour sa mère, c’est ce que dit Marie qui nous l’exprime.
« Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » : Marie a bien compris que Jésus allait répondre à sa demande, peut-être leur donner du vin, mais surtout apporter le salut à l’humanité.
Alors « Faites tout ce qu’il vous dira, recevez le don de la vie que vous donne mon Fils. »

Cette parole, Marie l’adresse aux serviteurs.
Dans le texte original, en grec, ‘’serviteurs’’ se dit ’’diakono’’, en français, ‘’diacres’’.
Le mot n’est pas employé au hasard par saint Jean.
Le 4ème Evangile a été écrit à la fin du 1er siècle, les diacres faisaient partie de la vie des communautés chrétiennes.
Et c’est leur fonction et leur mission qui est décrite dans ce que font les serviteurs de Cana.
La mission des diacres est avant tout sous le signe de l’obéissance et de la fidélité.
La phrase de Marie, et puis la manière dont les serviteurs exécutent ce que leur dit Jésus, montrent cette obéissance au Maître.
Même le vocabulaire le souligne. Jésus dit « remplissez » et ils remplissent ; Jésus dit : « puisez et portez » et ils portent.

On a aussi souligné que les jarres et la destination de l’eau qu’elles contiennent – pour les ablutions rituelles des Juifs – signifiaient le passage de l’Ancien au Nouveau Testament.
Sans pour autant qu’il y ait suppression d’une réalité par une autre, c’est bien le même chemin qui se poursuit d’un Testament à l’autre, Jésus vient donner toute sa saveur à ce qui n’était encore qu’une annonce de la réalité qui advient dans l’Incarnation du Verbe de Dieu.
L’eau de l’annonce et de la promesse devient le vin de l’accomplissement.

Enfin, l’Evangile dépassant les règles du réalisme, identifie Jésus à plusieurs des personnages qui sont présents à Cana :
– Jésus est d’abord celui qui est invité.
Il est invité à la vie des hommes, invité à être présent à ce qui est source de joie pour chacun de nous.
Interrogeons-nous : savons-nous partager nos joies avec le Seigneur lui-même ? Rendre grâce pour les belles choses de nos vies et du monde ?

– Ensuite, Jésus est le maître du repas.
Invité, il devient celui qui invite, celui qui appelle à sa table.
C’est la belle parole de l’Apocalypse : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. »
Chaque dimanche, en nous retrouvant pour l’eucharistie, nous répondons à son invitation, nous partageons la table du Maître.

– Enfin, Jésus est le marié lui-même.
C’est aux propres noces de Dieu et de l’humanité que nous sommes invités. Ces noces elles se réalisent dans la personne de Jésus lui-même ; il est la communion l’alliance, entre Dieu et les hommes.
En participant au banquet de la Parole et au banquet de l’Eucharistie nous sommes unis au Seigneur, nous avons accès au Père dans l’Esprit Saint.
C’est au tout début du temps ordinaire de la liturgie que nous entendons l’Evangile des noces de Cana.
Oui, tel est l’ordinaire de nos vies de chrétiens : recevoir le don du salut, communier à la vie divine.
Que ceci nous émerveille toujours.

Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
Paroisse Saint Pierre II en Chauvinois

Eglise Notre Dame de Chauvigny
20 janvier 2019

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